Son travail le plus récent est "élaboré à partir d'extraits de correspondances, de mots écrits, transférés sur et sous la surface en cire des objets", dit-il.
Il dit aussi que les "Ombres", travail précédent, est une manière de figer l'autre après son départ. Pourquoi ces mots, pourquoi ces ombres, finissent-ils dans cette eau troublée et figée par la cire ?
Pour être fixés. Eux et nous en face, loin d’eux.
Lorsque l'on est fixé, on finit par matérialiser l'insaisissable du sens. Le sens d'une lettre, d’une lettre d'amour qui plus est, même fixée dans la translucidité de la lumière jaune de la cire. La matière des cierges qui supporte toutes les prières. Ils ne sont plus à lire ces mots, coffrés dans la gangue de cire, ils forment maintenant un petit bloc du temps d'où ils étaient émis. On les a laissés se faire prendre dans ces petits pièges que forment ces structures fétiches. Les petits objets, les grandes ombres portées qui viennent comme apparaître à travers la cire, nous ramènent irrésistiblement à l'instant où la forme a été plaquée. Comme on dit d'une personne que l'on a "plaquée", on l'a quittée, elle s'éloigne, on la perd.
Plaquée à une matière : dans le "timing" du chaud (de la cire fondue) et du froid (des papiers, du séchage, du repos).
Ces mots, ces profils, ces bouts de bois tassés en amulettes, tous pris dans les glaces de la fixité, saisis par le bain qui vient les révéler, à la manière de la photographie qui fait sortir de son bain l’image fantôme, et qui fait émerger ces traces à la surface un instant, et puis replonger dans les profondeurs d'une mémoire cireuse au fond de ces petits baquets, de ces petites boites, de ces petits carcans, pris maintenant dans ces espaces de lendemain de fête.
Thierry Thomassin compile, thésaurise, rassemble ses œuvres? tel un archéologue qui collectionne des vestiges du passé avec étiquetage des propriétés de chaque objet.
A l’instar de la terre qui s’est formée sur plusieurs ères, Thierry Thomassin dispose de plusieurs formats pour raconter l’épopée humaine. Si vous vous arrêtez devant ses grands formats de silhouettes féminines et masculines en aplats, enserrées dans du plâtre, vous êtes intrigué par tant d’énergie déployée à vouloir garder traces de façon définitive de l’ombre d’un modèle, une ombre emprisonnée au moyen de la cire qui recouvre ce qui a été creusé par l’artiste en suivant les contours de l’ombre portée du modèle. Il s’agit alors de ses grands formats que j’appellerais « formats démesurés de taille humaine ».
Mais une variable de l’équation Thomasienne permet d’apprécier une quantité démesurée de petits formats en plâtre où la cire n’intervient plus mais, au contraire, où toutes les petites silhouettes enserrées se retrouvent malgré tout à l’air libre et semblent libérées du poids même de leur engobe. Des sortes d’ « entités étranges » qui nous font penser à des formes humaines, toutes de taille réduite, comme si l’on voulait la représentation d’une personne à petite échelle, un format de voyage, un format de poche, début de distanciation pour la représentation des êtres, essais de matières permettant des formes qui « dessinent » sans crayon, début du symbolisme et du balbutiement de la signification et d’un questionnement sur le signe et la naissance du dessin, participant à l’élaboration des alphabets.
Longtemps il s’est consacré à la peinture pour finalement l’abandonner (pas réellement en fait !). Désireux d’expérimenter d’autres langages plastiques, Thierry Thomassin s’orientera vers un travail mêlant peinture et sculpture. Savante alchimie pour un résultat singulier. En schématisant (sans réduction aucune) on pourrait parler de tableaux /matières. « Ombres Portraits » explore donc les moindres recoins du corps. A l’aide de plâtre et de paraffine, il explore et appréhende le dessin de l’ombre pour la projeter sur différents objets. On pourrait même y voir des relents du mouvement support / surface en extrapolant un tant soit peu. Expression du flou, étrangeté des silhouettes mêlées à différents supports, l’art de Thomassin s’invente à travers la rêverie d’une chose insaisissable. Capturer cette entité omniprésente mais qui nous fuit semble être un leitmotiv pour ce diplômé des Beaux- Arts de Lorient. Tout un paradoxe me diriez-vous. Mais c’est là que les choses avancent. En tous cas son travail est une merveille d’inventivité, sombre, sobre et classieuse. Pas de débordements émotifs, simplement un contraste qui s’exprime avec force et détermination d’une représentation que l’on devine sans réellement la connaître ni la voir. Encore une fois, la galerie Mcnab déniche un petit bijou d’artiste qui bouscule les mastodontes auxquels nous sommes le plus souvent confrontés en Principauté. Une maxime qui trouve tout son sens grâce à la Galerie McNab.